1. Nettoyage de printemps dans la Kabbale

La kabbale telle qu'on la pratique actuellement ne me semble pas toujours satisfaisante. Il est d'ailleurs convenu qu'une partie non négligeable des kabbalistes actuels considèrent leur passe temps favori comme un jeu mondain qui leur permet d'interminables et passionnantes discussions : c'est la logorrhée du kabbaliste.

En fait, la grande majorité des kabbalistes se divisent en deux catégories : les kabbalistes de salon dont je viens de parler, et les kabbalistes religieux. Ces derniers comptent évidemment d'innombrables éveillés, comme dans n'importe quelle tradition finalement.
Ces derniers temps, la pression politique au sein de la synagogue nuit un peu à l'étude de la kabbale, mais comme tout, cela passera et les kabbalistes ne gaspilleront pas toujours leur temps à massacrer les palestiniens.


Alors élevons nous un peu au dessus de ces problèmes graves mais passagers pour étudier un peu la kabbale et chercher ce qui ne me semble toujours pas satisfaisant.

La kabbale, c'est la tradition. Quelle tradition ? mais la tradition de la Torah, c'est-à-dire la tradition biblique.
À ce titre, elle est fondée sur deux postulats : d'abord, le fait que la religion biblique (le judaïsme au départ) est une religion révélée, et ensuite, que YHVH est un Dieu. Ce sont deux points qui méritent un peu de réflexions.
Alors, il est bien évident que l'un des points forts de cet enseignement est la révélation directe des prophètes qui nous transmettent leur expérience avec une certaine pédagogie. Mais les prophètes, les patriarches, &c… s'intègrent dans une tradition mère et leurs révélations ne sont parfois que l'enseignement de cette tradition qui a été actualisée pour la société naissante. Cette nouvelle société s'est cru obligée de transformer les noms (les genres surtout, en les masculinisants quasiment systématiquement) et les légendes, comme l'église chrétienne bâtira plus tard ses lieux de cultes sur l'emplacement d'anciens sanctuaires druidiques ou autres, christianisant les divinités locales.

Quelle était cette société pré-biblique ? Je ne suis pas assez compétent pour développer maintenant sur le gaz cette question, mais il semble qu'il y ait beaucoup de traces de sociétés matriarcales dans la bible, et l'étude du christianisme et de l'Islam le confirmeront.
Une société matriarcale est, pour résumer d'une façon très synthétique, un culte de la nature, de la création, et de la femme. Les religions matriarcales ne sont pas plus douces ou plus supportables que leurs partenaires patriarcales ! elles sont toutes les deux polarisées, toutes les deux forment la moitié d'une vue plus global qui est le privilège de l'éveillé mais qui n'est pas toujours facile à présenter quand on se charge de l'éducation (ou de la direction plutôt…) d'un groupe social qui reste, comme tout groupe social, une masse informe dont le nivellement se fait toujours par le bas.
Donc religion matriarcale : culte de la création, ce qui met en lumière que les religions patriarcales sont, ou pourraient être, des cultes au créateur.
Voila lancé le pavé dans la mare.

Le judaïsme n'est pas assez clair sur la nature de l'être adoré. Cet être adoré est, par défaut, le Dieu suprême créateur du ciel et de la terre. Et bien en fait, non, celui-là c'est Elohïm (ou El, il y en a toute une déclinaison, toute une familia… nous sommes dans une société tribale, n'oublions pas !) qui ouvre notre texte préféré, pas Yhvh. Ce dernier, qui est le dieu de la révélation du Sinaï n'est pas le créateur du ciel et de la terre, c'est l'Éternel.
Or cet éternel donne tous les signes qui indiquent sa nature… nature. Il est bien évident qu'a force de le regarder comme LE Dieu autoritaire, conquérant, paternel &c… à force de lui mettre de la barbe et des poils dans le nez et les oreilles (c'est dans le Zohar), on a finit par lui donner des attributs virils. En fait, tous ces attributs sont les attributs de l'autorité, pas de la masculinité. Les femmes et les déesses sont d'ordinaire privées de poils et ont une voix douce parce qu'elles n'ont pas le pouvoir, mais si l'on y réfléchit un peu, et si l'on cherche un peu plus avant dans l'histoire des civilisations, il n'est pas certain que ces histoires de pilosité (pour résumer la question de façon emblématique) soient autre chose que des attributs de pouvoir. De plus, Yhvh a une étymologie significative : l'éternel, du verbe être. Pas du verbe créer, non, le verbe être. Le parent (parenté étymologique au moins…) de Yhvh, Ahih (Exode III. 14.) décline ce verbe ainsi : Je suis (c'est son nom !).
Alors le culte de Yhvh est-il un culte du créateur ? non, c'est le culte de l'être, c'est à dire un culte de la création, qui est la vie, la nature, … la femme…

Alors comment en est-on arrivé à créer et entretenir cette confusion ?
Et bien d'abord, comme je l'ai dit, en masculinisant toute trace du caractère féminin de la divinité adorée dans le culte et dans les textes, et puis surtout en renversant littéralement le sens des ordres religieux (les mitsvoth), surtout lorsqu'ils ont traits à la sexualité. Ainsi, la sexualité est devenu un outil de procréation, et non plus de plaisir (nos premiers aïeux vivaient dans le jardin des plaisirs -le Gan Eden-, ne l'oublions pas !), c'est à dire qu'en plus d'avoir honte d'être nu, il faut attendre le jour de l'ovulation pour faire l'amour, enfin je veux dire, pour "s'approcher de sa femme". Les règles sont évidemment tabous alors qu'elles sont un moment privilégié dans la relation fusionelle &c… Mais il n'y a pas que la sexualité qui a été ainsi "codée", il y a aussi par exemple les règles de la cacheroute (qui ont traits à l'alimentation), les règles de la tenue du culte, et enfin jusqu'à l'interdit, tardif, d'étudier la Kabbale avant 40 ans (mais celui-là n'a pas toujours été respecté, sinon, il n'y aurait pas eu beaucoup de kabbalistes dans l'histoire !).

Et oui, il faut quand même réaliser que notre Thorah adorée est une maison qui est dirigée par un chef de famille assez abusif…

Mais heureusement le soir, près de la cheminée, il y a encore une grand-mère qui sait des histoires du vieux temps…

Ces histoires forment le fond de la tradition qui nous intéresse. C'est la base de notre Kabbale.
Ça parle de l'histoire du créateur et de la création, et des petits êtres qu'elle a engendré : les petits Moïses, les petits Jésus, et les autres comme vous et moi…
Ça parle beaucoup d'amour, mais ça, ce n'est pas toujours facile à comprendre parce que pour nous, l'amour demande un couple dominant/dominé et entre le créateur et la création, ce n'est pas du tout comme ça que ça se passe. Et puis ça parle de plein d'autres choses, mais en fin de compte, on en revient toujours au même thème : La Sainte Famille qui est le créateur, la création, et nous.


Bref, on détaillera un peu plus tout cela dans d'autres articles…

Matthieu Léon, février 2015